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Corrections for Correspondence X: 2794

FROM ÉTIENNE DUMONT

10 August 1821

Je commence, mon cher Bentham, par vous faire mention separement des articles que je vous envoye, dont Mr Allen de Holland house a bien voulu se charger. Une loi de procedure civile, dont la redaction est presque entierement due à un de nos Professeurs de droit, Mr Bellot, celui des hommes de loi à Geneve qui a le plus goûté vos ouvrages et qui en a tiré le plus de profit, vous le reconnoitrez aisement et vous vous retrouverez souvent pour le fonds des idées dans son Rapport, - ce Rapport commence à être connu des Juristes à Paris et quelques uns ont dejà manifesté leur approbation, mais vous savez avec quelle peine on se détache de la routine. Je suis sur que notre ami Mill lira tout cela, et il vous en causera, quant à vous, je ne crois pas que vos yeux vous permettent cette lecture lors même que vous en auriez envie. La nouvelle loi de procedure est dejà en exécution à Geneve.

Je joins à ces deux ouvrages un exemplaire de notre Code penal, tel qu'il a eté prèsenté par notre Commission au Conseil d'Etat. C'est aussi à Mill que j'en demande l'examen: mais je le prie de considérer que le plan du maître a été souvent altéré par mes collegues que j'ai dejà eu beaucoup de peine à amener si loin. Je compte que dans la revision qui sera faite par un Comité du Conseil représentatif, j'aurai des collaborateurs plus philosophes, en particulier Mr Bellot et Mr Rossi. On n'en a tiré que cent exemplaires, le Conseil d'Etat n'a pas voulu en tirer davantage. Il y a eu deux impressions, la premiere s'est trouvée très fautive et a eté mise à néant. - Quelques personnes qui ont vu ce travail sont extrêmement satisfaits, on admire le plan, c'est à dire ce qui vous appartient et on y trouve le caractere du genie, on dit que c'est le modelle qui doit desormais servir pour tous les Codes penaux, mutatis mutandis selon les pays et les Constitutions.

Les Traités de legislation ont un succès qui va toujours en croissant et je ne serois pas surpris si on procede bientôt à une troisieme edition. - On en demande une seconde de la Tactique et des sophismes. Benjamin Constant veut se charger de l'annoncer dès qu'elle paroîtra, et je vais m'en occuper dès que je serai de retour à Geneve . - On voudroit beaucoup qu'il y eut un chapitre ajouté sur l'autorité que le President et l'assemblée doit exercer sur les membres, en cas d'abus de la parole, d'injure etc.

J'ai beaucoup avancé ma derniere redaction des Preuves judiciaires, mais je suis encore indecis par rapport à l'organisation des tribunaux c'est à dire si je dois publier cet ouvrage en même temps ou le reserver pour une publication separée. Je vous ai dejà marqué qu'il y avoit une lacune dans mes papiers, tout ce qui concerne le Jury manque, je ne sai comment, je trouve une omission de sept ou huit chapitres, ou d'environ 60 pages.

Nous nous sommes trouvés à Paris en etat de former une petite Eglise naissante de vrais fidelles, Bowring, Blaquiere. Il n'a eté question que de vous et des succès dont nous observons la marche. J'ai trouvé ici deux Professeurs de droit, M. Bavoush, et M. Blondeau deux grands Benthamistes, mais on n'ose pas dans l'enseignement public abandonner la routine qui d'ailleurs est prescrite par autorité. On se borne en particulier à recommander les Traités etc aux Eleves qui annoncent le plus de talent.

Dans les Annales de legislation de Rossi (qui commencent à prendre en Italie, en Allemagne, mais qui ne sont point encore connus en France) il a eté souvent question de Bentham, mais, à mon grand regret, on a eu la complaisance d'admettre un chetif article sur la Seconde edition des Traités. On en a regret et on reparera cette faute à la premiere occasion.

Bowring m'a remis vos deux derniers ecrits ou pamphlets, et Blaquiere m'a donné l'adresse aux Espagnols. À mesure qu'il paroîtra quelque chose, ne m'oubliez pas, je saurai tirer parti de tout. J'ai vu Mr Toreno, mais je ne suis pas rassuré par tout ce qu'il me dit, et je crois que leur Constitution n'est pas compatible avec la liberté publique.

Bowring me dit que votre santé est très bonne, que vos yeux vous donnent moins d'inquietude et que vous travaillez avec toute la vigueur de la jeunesse. Je lui ai fait repeter toutes ces bonnes nouvelles sous des formes diffèrentes, et je vous prie de me les confirmer vous-même. Je compte vous ecrire plus en détail au sujet des Preuves pour vous demander quelques explications que vous pourrez prêcher tout à votre aise. Il y a un desir très géneral de voir cet ouvrage, on me l'a demandé avec un grand intérêt et on ne manque pas d'ajouter que parmi les publicistes, il n'y a que vous de qui on peut attendre un traité philosophique sur cette matiere.

Je prie Mr Mill de recevoir ici les assurances de mon amitié, de même que Mr Koe. Je leur recommande de se souvenir de moi et, qu'ils soient bien sûrs que je ne les oublie pas. J'ai le projet de vous aller voir au Printemps prochain.

Adieu, encouragez et soutenez vos fidelles disciples, et ne laissez pas votre vieux ami une année entiere sans lui donner une marque de souvenir. Tout à vous.

Paris 10 aout 1821.