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Corrections for Correspondence X: 2820

FROM ÉTIENNE DUMONT

17 November 1821

Mon cher Bentham

N'usez point vos yeux sur cette lettre, je ne vous ecris ni trahison ni amour, et on pourroit vous la lire en place publique. Je vous reponds par un pur sentiment d'obeïssance, car ayant ecrit dernierement à Mill, je n'ai rien de nouveau à vous dire: j'approuve beaucoup votre plan de correspondence directe, et je la ferai volontiers passer par les mains de votre aimable Angloise qui m'a ecrit en m'envoyant son ouvrage contre lequel j'ai grondé, comme vous le faisiez jadis, quand un livre trop amusant vous séduisoit de votre travail. C'est vraiment un bon voyage. Je crains seulement qu'elle ne soit trop partiale dans le sens opposé à Fearon, celui-ci m'avoit attristé, elle a retabli les americains dans mon estime.

La seconde edition de la Tactique et des Sophismes va se mettre en train. La revision m'a coûté un mois de travail, et je suis impatient de me remettre aux Preuves. Je me range tout de suite à votre avis. Je reserverai l'etablissement judiciaire pour une publication subséquente. Bossange fils qui est venu à Geneve exprès pour me relancer sur la Tactique et les Preuves me dit des merveilles du succès actuel des Traités de legislation et de la Theorie. Il demandera bientot une troisieme edition. - Dans le journal de Rossi (dont je vous ai parlé et dont on a quelques exemplaires à Londres) il y a eu un article sur les Traités de législation, mais qui n'est pas de lui et dont je suis fort loin d'être content, ce n'est qu'une foible reponse à quelques objections Germaniques sur le principe de l'utilité, mais Rossi m'a promis de ne s'en rapporter à personne pour la Tactique et les Sophismes, et s'il fait l'article con amore, ce sera un morceau de maître, c'est dommage que la nature ait mis un si beau talent entre les mains d'un paresseux, je ne sai toutefois comment avec sa paresse, il a tant appris. Le mal est que la philosophie ne lui ait pas fait dégorger le droit romain, il en est Professeur, l'erudition lui plait, il aime la controverse et il ne va pas droit au but qu'il connoit bien. Dans son dernier numero, j'ai publié par anticipation un chapitre des Preuves sur la publicité. Il y a joint d'excellentes notes, et une en particulier où il a repondu aux objections en homme qui dans le barreau a vu les inconvenients de la procedure secrette.

Je ne sai où en est ma souris et si elle sera mangée par les chats du Conseil d'Etat, depuis que la Commission a remis son ouvrage aux Syndics, on ne m'en parle plus. Je suis très content que vous tombiez avec vigueur sur cet infame projet de Code penal espagnole, comment a t-on pu faire aussi mal, ayant sous les yeux les traités de législation et la theorie des Peines - mais pourquoi s'etonner en ce genre. Voilà la Commission de Lausanne qui vient de me faire passer la premiere partie du sien, les titres Generaux. Ils avoient devant eux notre petit modelle qui du moins leur traçoit la route. Non, ils ont mieux aimé les titres generaux du Code de Baviere, fait par un jurisconsulte de grande reputation en Allemagne, Mr de Feuerbach. Il y a quelques idées saines, assez pour me faire croire qu'il auroit fait mieux s'il avoit connu notre esquisse. Je suis engagé dans des controverses qui me prennent beaucoup de temps, car il faut repondre à des objections, donner des eclaircissements, etc. La critique d'un Code ne se fait pas au courant de la plume.

Il y a dans votre lettre une note importante et malheureusement de votre main hâtée et par conséquent pas lisible. Sanctions: since the Traités, others have been discovered. They are now Human, superhuman. Human six. lo Physical, 2o retributive, 3o et 4o - non lisible. est-ce sympathetic and antipathetick? - 5o Popular or Moral 6 Political. - religious - all exemplifiable in the case of drunkenness etc. - voici une analyse nouvelle, et de la plus grande importance. Il faudroit des developpements, et me les envoyer dans le courant de l'hyver: car dans les Preuves, on se refere toujours aux quatre sanctions, telles qu'elles sont exposées dans les Traités. Si vous trouvez des raisons assez importantes pour adopter cette nouvelle division, vous sentez qu'il en resulte la nécessité de refondre non seulement les chapitres des Traités cette doctrine est developpée, mais celle de faire un nombre de changements analogues dans tout le cours de l'ouvrage. Je n'ai point encore d'avis, j'attends vos explications, prêchez, votre prêche ne me fera pas dormir. Il me semble toutefois que les quatre Sanctions repondent complettement aux quatre sources de biens et de maux, les nouvelles pourroient servir ce me semble à quelques subdivisions qui jetteroient plus de clarté dans la theorie.

J'ai bien rendu makeshift par faute de mieux, pis-aller. Mais comme il falloit un adjectif, je les ai appellées preuves inferieures. Il me semble que ce mot suffit pour marquer le caractere et avertir les Juges.

Traveller news-paper. Nous avons ici une société de lecture fort riche, et cependant on ne veut pas un papier anglois de tous les jours - savez-vous pourquoi - c'est qu'il nous reviendroit à 60 guinées: on ne peut l'avoir que par la poste, et chaque feuille revient à 3 ou 4 shillings.

J'ai relu Swear not at all, dans l'intention d'en tirer un chapitre pour les preuves - mais il me semble que les arguments sont beaucoup plus dirigés contre les serments politiques ou academiques que contre les serments judiciaires. Cette vue du sujet s'y presente à peine. grande est la difference des serments pour des opinions ou pour des faits. Nous avons dans le Projet de Code penal omis à dessein le mot parjure. Il y a delit de faux témoignage lorsqu'un individu appellé par les Juges à declarer la verité sur un fait, cherche à tromper la Justice. Voilà la definition. Le Serment n'y paroit pas. Ce fut d<.> grande victoire - mais elle ne s'obtint qu'en renvoyant l'examen de la convenance du serment à l<a> procedure. Vous avez cru autrefois l'appel à la religion utile dans la voie des Monitoires (ce que je ne crois pas) il s'agit de prouver que cet appel est inutile dans les déclarations faites à la justice. je voudrois voir distinctionner les Capita argumentorum.

Je vois avec plaisir, mon cher Bentham, que vous êtes plus actif et plus laborieux que jamais et que votre santé n'en souffre point. Vous voyez aussi que je travaille avec ardeur, mais vous ne faites aucune idée des interruptions que j'eprouve, voilà notre Session qui va commencer; et les Comités avec elle. Cependant, je suis bien determiné à donner les plus belles heures de la journée aux Preuves. Je n'ai pas comme vous la ressource du soir, le travail m'ôte le sommeil, me rend incapable pour le lendemain.

Dans votre amour de publicité, je vous prie de ne pas aller jusqu'à faire mention de certains faits que je puis vous ecrire, - par exemple - ce que je vous dis ou pourrois vous dire sur la Commission de Lausanne ou de la nôtre ou des inepties de telle ou telle Commission legislative de la Suisse et d'ailleurs. Nos gens n'ont pas voulu du rationale, adopté par eux, mais il ne m'encouragent à le donner en mon nom privé. Si vous les attaquez sur ce point, vous me compromettez avec eux, d'après une confidence epistolaire.

Le droit civil François, de Toullier, est, me dit-on, le meilleur ouvrage positif de ce genre. Les Tomes 8 et 9 roulent sur les Preuves: j'en ai entrepris la lecture. Il traite beaucoup de questions qui ne paroissent pas dans votre ouvrage: il est bien foible dans toute la partie philosophique et il me fait esperer un grand succès par comparaison. art of packing: je l'ai, n'oubliez pas de m'envoyer les Mss. sur le Jury. Du neuf - tant mieux - mais!

Adieu. Et. D. 17 Nov. 1821.