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Corrections for Correspondence X: 2819

FROM JEAN-BAPTISTE SAY

16 November 1821

Digne ami

Après un assez long retard, j'ai reçu vos deux brochures en faveur de la liberté des espagnols, des portugais, et du monde. J'ai remis à notre vertueux Lafayette, celles qui etaient pour lui. Il m'a beaucoup parlé d'une demoiselle d'un grand mérite, que vous lui avez recommandée, qui a passé quelque tems à sa maison de campagne de La Grange, et dont il a été excessivement content. On traduit en ce moment en français les lettres de cette demoiselle sur les Etats-unis.

Notre digne representant D'Argenson (qui pour le dire en passant ne fait aucun cas de son antiquated title of marquis) n'est pas encore revenu de ses terres. J'ai remis les brochures à Madame D'Argenson.

En remettant à M. Jullien celle que vous lui adressez, je lui ai donné de l'une et de l'autre des notices propres à être inserées dans son journal, et qu'il a promis de placer dans le premier cahier qui paraîtra; mais je crains que la terreur que lui inspire le gouvernement, ne lui fasse supprimer quelques traits un peu prononcés de ces notices, où j'ai tâché pour tant de me tenir dans les termes les plus généraux. Mais vous savez que sous les mauvais gouvernemens, les vrais principes exposés sont des traits de satire.

J'ai enfin trouvé une occasion pour faire parvenir à Genêve les exemplaires que vous avez destinés pour M. Rossi redacteur des Annales de Legislation. Ainsi vous pouvez regarder toutes vos commissions comme faites.

On ne peut trop admirer, mon digne ami, le courage avec lequel vous signalez les Vampires qui dévorent la pauvre Europe. Nous gagnons quoique lentement du terrain dans l'opinion; et l'opinion, quand elle aura acquis plus de consistance, resistera aux Vampires; car je ne connais pas d'armée, si nombreuse qu'elle soit, qui puisse faire obéir des nations qui ne veulent pas obéir. En France l'opinion royaliste fait beaucoup de bruit parce qu'elle a seule la parole; mais je vous assure qu'elle perd du terrain tous les jours; et du moment qu'elle essuiera quelque échec, elle se trouvera abandonnée des imbecilles et des timides. Notre grand malheur vient de ce que, par suite des institutions de Bonaparte, il n'est pas un seul homme en France qui soit indépendant de l'administration; pas un à qui sa bienveillance ne soit utile et sa haine nuisible.

Je ne sais si vous aurez eu des détails sur la cacade de l'Evèque Glory et de sa troupe des prêtres dans la republique d'haïty. Ce drôle est un ferblantier de Toulouse, protestant renégat, qui s'est fait prêtre catholique du moment qu'il a vu que les prêtres etaient protégés, qui pour obtenir l'episcopat a promis au pape de remettre les colonies sous l'autorité de Rome; qui pour gagner de l'argent, a promis à notre gouvernement d'exciter des troubles religieux à St. domingue; mais quand il a été connu de ces bons haïtiens, on l'a rembarqué avec sa troupe, et l'ile s'est trouvée debarassée de la cohorte infernale.

Agreez mon digne ami, les nouvelles assurances de mon inviolable attachement

J. B. Say Paris l6 Novembre 1821

Si Richard Doane est encore auprès de vous, veuillez lui faire mes amitiés; ma famille se souvient toujours avec plaisir de son air ouvert et confiant.