XClose

Bentham Project

Home
Menu

Corrections for Correspondence X: 2692

TO JOSÉ JOAQUÍN DE MORA

26 September 1820 (Aet 72)

Queen's Square Place Westmr 26 Sept. 1820

Mr Bentham London to Mr. Mora, Madrid. Letter the 3rd in continuation.

Sir, what follows was written or dictated before I was apprised of your reading English with facility: and for want of time or room was omitted to be transcribed.

Suit copie de ce que j'avais commencé d'écrire en Français; comparé avec ce qui est dessus en Anglais, il n'y a peut être que des redites: cependant en voilà autant, qui pourrait peut être se faire comprendre à l'instant, et vous épargner pour le moment, si non pour toujours, l'inconvenient de recourir à un interprète.

Permettez moi, Monsieur, de vous prendre ainsi pour confident: la besogne est des plus importantes: il m'en faut un à tout hazard: et je n'ai pas d'autre choix. Nous sommes étrangers l'un à l'autre: mais vos sentimens à mon égard sont aussi publics qu'ils me sont flatteurs. Ce qui est plus, Espagnol ou Français, vous n'êtes pas homme de loi: ou bien, si comme moi vous l'avez été, comme moi, vous avez cessé de l'être. Cependant, si vous l'êtes, soit de fait, soit a cause de liaison, soit en éspérance, vous me trahirez, qui que vous soyez autant qu'on peut trahir celui auquel on n'a rien promis. Comment ne vous le ferez pas? Concerter les moyens de servir le peuple sur le champ de la legislation, c'est conspirer contre les légistes. Etre utile à l'Espagne, c'est à présent le plus ardent de mes voeux. Vous en avez déjà quelques preuves. Mes desirs - ils sont de cette force: avec cela, même en comptant sur votre secours, mes ésperances sont bien faibles: a tout moment, je sens sur ma poitrine un Cochemare, qui, en guise d'Homme de loi pese sur elles, et les ecrase. Tout le service, que je pourrais rendre à un pays tel que l'Espagne, n'est rien, au prix de celui de préparer le texte d'un corps de loix: à commencer par le penal, que je saurais bien detacher d'avance, et dont le plan contiendrait necessairement celui du civil: ouvrage dans lequel, il ne me faudrait qu'ajouter les particularités, déjà en idée comprises pour le plupart, dans les generalités, données dans cet ouvrage, si long tems devant le public, et dont les traducteurs (dit-on) sont si nombreux: et de ces particularités, les plus difficiles sont déjà couchés par ecrit. Or si cet ouvrage vaut quelque chose, fut-ce la moindre du monde, n'est il pas de l'interet de la nation Espagnole qu'il soit achevé et publie? Quelque mauvais qu'il fût, cela ne saurait faire aucun mal: etranger et inconnu, l'auteur n'a en sa faveur ni pouvoir, ni intèrêt particulier, ni prejugé. Mais plus il est de l'intèrêt du peuple qu'il soit publie au plus vite, plus il est de l'interet des gens de loi, en Espagne, comme partout ailleurs, qu'il ne soit jamais publié. Il est de leur interet, d'abord qu'il n'existe nulle part aucune regle d'action: aucun moyen pour le peuple de se sauver de leurs griffes; en un mot, aucun corps de loix ecrites: ensuite, que s'il y en a, il soit aussi obscure, aussi ambigu, aussi incomprehensible que possible, à tout autre qu'à eux, qui en font ce qu'ils veulent. Vous sentirez en même tems, Monsieur, que les gens en place, dans tous les autres departemens du Gouvernment, n'ont qu'une trop grande part dans ce sinistre intèrêt: car, dans tous les autres departemens, tout comme dans celui-ci, une place est un moyen de faire fortune: c'est pourquoi ils ont tous un interet commun, interet particulier directement opposé à l'interet universel: ainsi, de façon ou d'autre, tout se tient dans la fabrique du gouvernement: d'un cote, tout qui est bon; de l'autre, tout ce qui est mauvais.

Dans les Etats Unis, lorsque tel ou tel Gouverneur a transmis, de ma part, une offre pareille a leurs Assemblées, dans ces memes Assemblées, aussi bien qu'autre part, les hommes de loi ont crié comme des enragés. Je le tiens des Gouverneurs mêmes, et des Deputés qui ont pensé comme eux: et dans tous les corps legislatifs les hommes de loi forment la partie dominante: dominante, meme en nombre et plus encore en influence. Ci-bas est une copie d'un etat, tiré d'un Western Journal de cette année. Dans le droit non-ecrit Anglais ils voyent leur Dieu, tout comme le font leurs compagnons de metier chez nous. Pourquoi? c'est que n'ayant aucun texte, c'est a dire aucune existence, ils en font a toute occasion ce qu'ils veulent. Il est pour eux ce fatras, ce que le droit Romain est pour vos legistes: pour eux, c'est a dire, contre vous.

Cependant pour l'esquisse déjà publié, il y a parmi vos gens le loi, tant de traducteurs, et par consequent tant de louangeurs. Et comment n'y en auroit il pas? L'interet particulier permitte, et meme ordonne, de louer l'esquisse non complettée: le meme interêt ordonne de s'opposer a ce qu'elle soit jamais completté par la main que l'avoit commencée. Adoptée, elle s'opposeroit a leur interêt a chaque ligne: elle substitueroit la realité a leurs fictions, la certitude a l'incertitude dont leur honneur aussi bien que leur profit depend: elle reduiroit au moindre terme les delais, les vexations, les depenses, auxquels leurs profits sont proportionnés.

Quant aux commentaires qu'ils en feraient, ils y peuvent trouver leur compte de deux manieres. Ils pourraient deployer leur entendement et leur savoir-faire: et tous en louant ce qui ne nuit pas a leur intérêt, ils pourroient d'autant plus librement s'opposer a ce que y est contraire.

Deux Editeurs-comentateurs, Espagnols, sont déjà parvenus à ma connoissance. L'un c'est M. de Sallas, qui avec les trois volumes en a déjà fait (a ce qu'on m'a dit) cinq: et voila tout ce qu'on m'a dit de lui. Un autre est M. Rivadavia Jurisconsulte diplomate, qui j'ai l'honneur de connoitre personellement - Agent de Buenos Ayres depuis plusieurs années, quelques fois a Paris, quelques fois a Londres. Il y a déjà quelques années qu'il a commencé a s'amuser de traduire cet ouvrage pour son pays: mais, comme il n'a jamais manqué de declarer, avec un commentaire: et, je crois, avec amendemens, pour l'ajuster a l'etat de la societé dans le pays pour lequel cet ouvrage est destiné.

Ce que je ne nie pas, c'est que quantité de legistes, et parmi eux les Messieurs dessus mentionnés, ne puissent se trouver dans une situation, où, pensant favorablement de cet ouvrage, ils puissent sans prejudicier à leur interêt, en dire ce qu'ils en pensent. Tout ce qui dis c'est que dans le gouvernement d'un pays, quel qu'il puisse etre, il sera toujours, dans tous les departemens, de l'interet de tous les grandes fonctionaires surtout de ceux qui tiennent la feuille des benefices, et dans le departement de la Justice, de la grande majorité des autres fonctionnaires, de s'opposer a la confection d'un corps de loix, qui, de la façon dessus indiquée seroit conforme a l'interêt du plus grand nombre des citoyens: et qu'ainsi, si on les laisse faire, ou plutôt ne rien faire, ils ne manqueroient pas, ou d'en faire faire un, qui sur ces points seroit contraire a l'interêt du plus grand nombre, ou bien d'empêcher qu'il n'en soit fait du tout: et surtout, s'il y en a qui, a leurs yeux même, promette mieux que tout autre, c'est a celui-là qu'ils s'opposeront avec l'acharnement et la pertinacité les plus inexorables.

Plaintes sur plaintes de la lenteur des procedures contre les traitres, qui, de differentes manieres, se sont opposés a l'heureux changement, avant et après. En tant que l'objet en est tel ou tel individu, si ces plaintes sont ou ne sont pas fondées, voilà sur quoi je suis entierement et necessairement ignorant. Mais ce dont je ne suis pas ignorant, c'est que le mal, dont ces plaintes sont l'objet, est necessairement très grand, et qu'il a sa racine dans le systeme actuel des loix, et surtout dans la partie de la procedure. Sous un tel systeme, des années pourroient ecouler, sans que, dans le cours ordinaire des choses, un jugement definitif, pour ces delits de premiere ordre, puisse etre prononcé. Sous un tel regime, faire arrêter et detenir en prison le malfaiteur, voilà tout ce que puisse se faire pour la prevention de pareils delits pour le futur, soit de la part de ce même malfaiteur, soit (par le moyen de la crainte) de la part d'autres. Si ce systeme, composé de commencemens sans terminaisons peut suffire, le gouvernement peut se continuer: si non, il faut qu'il se dissolve. Avec une telle procedure, un gouvernement d'où l'arbitraire est exclus, se trouvera tôt ou tard, dans un etat de paralysie. Le despotisme, quelque mauvais qu'il soit, se trouvera un mal necessaire. Bien ou mal, le despotisme tant qu'il dure, supplee à tout. Le peuple est ecrasé, mais le gouvernement agit, et se conserve.

La tyrannie monarchique dissoute ou contenue, et la tyrannie aristocratique des ordres privilegiés traitie de même, reste la tyrannie aristocratique des gens de loi: tyrannie plus difficile à dissoudre ou contenir que les deux autres tous ensemble. Oui, encore plus difficile. Car, dans les Etats Unis, d'où ces deux autres sont exclues, celui-ci vit encore. Pour operer cette dissolution il n'y a qu'un seul instrument possible: c'est un corps complet de loix ecrites: de loix, ayant pour but, en verité aussi bien qu'en profession, dès le commencement jusqu'à la fin, le plus grand bonheur du plus grand nombre: complet, ce qu'il ne peut être, tandis que le plus petit morceau de droit appellé non-ecrit - que ce soit Droit Romain ancien - que ce soit usage actuel des tribunaux - puisse etre regardé comme ayant plus d'autorité en Espagne que n'en a le droit de Maroc ou d'Alger. Que la quantité de ce qui est bon dans ce droit appellé non-ecrit soit aussi grand que l'on voudra, il n'y aura rien de perdu par l'operation par laquelle elle aura été reduite à une nullité: elle recevra la forme de loi ecrite; elle fera partie du corps des loix ecrites: par là, elle acquerra une existence veritable, en place de cette existence imaginaire et mensongere, qui seule lui appartient à present.

Cet instrument unique et suffisant - s'il y avoit quelqu'un, qui etant regnicole, etoit dans l'etat de pouvoir le façonner d'une maniere suffisante, on auroit tort de regarder ailleurs. Mais cet ouvrier regnicole n'existe pas, et ne peut avoir existé. Nulle part, excepte en Angleterre, existe t'il un individu, qui s'est seulement adonné a cette occupation: et, en Angleterre même, il n'y en a qu'un seul. Ainsi, pour cet instrument, ou il faut se servir de cet ouvrier, ou n'en avoir point du tout. Déjà pendant plus d'un demi-siecle, il a été occupé de cette tâche. Cette tâche, avec l'encouragement convenable et necessaire, il y a dix, vingt, trente années peut être, que, pour tel ou tel pays, et de là, en grande partie, pour tous les pays il l'auroit rempli. Et cet encouragement necessaire, qu'est que c'est? Dans son particulier, il ne lui faut que de la part du gouvernement de quelque pays, l'assurance, authentique et suffisante, que son ouvrage, dès qu'il parût, recevroit de la part du gouvernement l'attention necessaire, pour lui accorder la chance de servir a l'effet desiré. Moins que celà il ne pourroit avoir: plus que celà il n'acceptera pas.

Or, quelque modique qu'il soit, dans le cour ordinaire des choses, l'accord de cet encouragement (vous le voyez bien) est chose impossible. Ailleurs que dans une republique democratique, telle que celle des Etats Unis, il n'y a qu'une revolution qui puisse l'amener: et cette revolution il n'y a que le comble de souffrance de la part du peuple, fruit du comble de la tyrannie qui puisse l'amener. En Angleterre, ce comble de tyrannie et de souffrance n'est pas encore amené: ainsi, incapable de penetrer le mystere de cette iniquité, le peuple continue de supporter cette tyrannie des gens de lois, avec les autres tyrannies.

En Espagne ce perfectionnement du mal supportable, est arrivé plus tôt que partout ailleurs: aussi c'est à l'Espagne, que le très petit rayon d'esperance, que je puis entretenir, se dirige; si non exclusivement, par preference.

[END OF FRENCH SECTION]